La Société de Géographie de Lille a organisé des conférences de 1880 à 2005. Très populaires, elles constituaient un moyen de diffusion et de vulgarisation des connaissances géographiques, ainsi qu'une occasion de rencontre pour les membres de l'association. L'image, et plus particulièrement la photographie, furent très rapidement utilisées lors des conférences, comme illustration et comme moyen d'éducation. Dès 1882, les premières photographies font leur apparition dans la salle de conférences, pour illustrer les discours des conférenciers, animer les récits des voyageurs et témoigner de la situation coloniale. Ainsi, les spectateurs lillois découvraient des images de l'Afrique, souvent pour la première fois, à mesure que le pouvoir français s'y installait. Les explorateurs, dont plusieurs illustres - comme De Brazza qui tint une conférence en 1882 - ramenaient leurs propres photographies que la Société reproduisaient sous forme de diapositives. Par la suite, la collection de clichés s'enrichira des achats, des dons faits par les correspondants de la Société à l'étranger, et des photographies prises lors des excursions et des voyages scientifiques. Les conférences attiraient un grand nombre de spectateurs, et les projections de clichés constituaient un gage de réussite pour les organisateurs. Leur présence est d'ailleurs mentionnée dans les programmes qui circulaient à l'avance. Devant le succès remporté par les projections de diapositives, et malgré le coût que représentait leur organisation, la Société décida d'aggrandir la salle de conférences en 1892. A partir de cette date, les conférences furent organisées dans une grande salle de l'hôtel de la Société industrielle de Lille, dont les locaux étaient partagés par les deux associations. La salle de conférences pouvait accueillir plus de 1000 personnes mais il n'était pas rare d'y voir s'y presser 1500 personnes. En 1896, la salle de conférences est entièrement électrifiée, ce qui permet "une obscurité plus complète et plus instantanée pour les projections si nombreuses".
LA LANTERNE MAGIQUE
Les photographies étaient projetées par l'intermédiaire d'une lanterne à arc voltaïque, version moderne des lanternes magiques utilisées dans les spectacles et les foires à partir du XVIIème siècle, et ancêtres des projecteurs de dispositives. Devant l'engouement suscité par les conférences illustrées, la salle fut aussi équipée d'un écran de projection moderne de 40 m2. Plongé dans l'obscurité, le public découvrait sur un écran aux dimensions spectaculaires pour l'époque, des images inédites de terres et de peuples inconnus. Il est certain que ce mode de diffusion joua un rôle important dans le processus de représentation et de perception des territoires qu'il découvrait.
L'IMAGE, OUTIL DE VULGARISATION
Pour les spectateurs, les conférences illustrées sont vécues comme des voyages par procuration, des " excurions en chambre " pour ceux qui n'ont ni le temps, l'argent ou la santé pour voyager. Outre la dimension magique des projections, les photographies assuraient également une fonction pédagogique et constituèrent un médium privilégié dans l'instruction populaire. Un rapport de 1896 fait état de l'intérêt des membres du bureau de la Société pour l'enseignement par l'aspect. "La collection de clichés à projection augmente rapidement, c'est coûteux mais bien utile : le Conseil a constaté que l'enseignement par l'aspect est très séduisant, il amène les indifférents qui deviennent des convertis (...)." Par un système de prêt de ses diapositives pour les enseignants du département, la Société de Géographie participait à la mission de vulgarisation qu'elle s'était fixée lors de sa fondation.
Hormis les interruptions des deux guerres mondiales, les conférences furent organisées jusqu'à la disparition de la Société de Géographie en 2005.